Peut-être parce que le monde ne va pas bien, peut-être parce que le théâtre a toujours été une catharsis, un acte de résistance s’il le faut, peut-être parce que, comme au théâtre, il faut se dépêcher d’en rire avant que d’en pleurer, comment ne pas retenir ceci de la 38ème édition du Printemps des Comédiens ? Ceci : le rire rabelaisien montant de l’amphithéâtre confronté aux créatures improbables du cabaret Le Secret ; le réjouissant clin d’œil lancé au-delà des siècles par Jean-François Sivadier aux Atrides ; le rutilant farcesque d’Emma Dante ; la grâce souriante du Cabaret Renversé de Julien Candy ; l’absurde lunaire de Madame L’Aventure de Lionel Dray et Clémence Jeanguillaume ; le Fregoli verbal de Benjamin Tholozan dans Parler Pointu

Rires, sourires qui ne veulent certes pas dire aveuglement : les tourments du monde ne sont pas restés aux grilles du Domaine. Mais, même pour les plus tragiques, ils ont été comme amortis par cet humour dont on dit qu’il est la politesse du désespoir. Voyez Wajdi Mouawad convoquant l’absurde pour éclairer la tragédie libanaise, Jean-Claude Fall, Roxane Borgna et Laurent Rojol revêtant des comédiennes palestiniennes des oripeaux masculins d’Aristophane, l’Argentin Guillermo Cacace mêlant public et actrices dans un joyeux désordre au chevet de La Mouette, ou Cyril Teste habillant de fête les désenchantements tchekhoviens…

Et comme d’habitude, comme toujours, vous avez été au rendez-vous. Vous nous avez fait confiance pour nous suivre sur les chemins escarpés où le démiurge Krystian Lupa déploie son théâtre hypnotique, confiance pour écouter ces femmes afghanes merveilleusement mises en lumière par Jean Bellorini, confiance pour aller découvrir le travail de jeunes actrices et acteurs en devenir, confiance enfin pour cueillir des pépites d’émotion derrière le rideau des langues, espagnol, arabe, dari ou napolitain…

Et, rarement comme en ce mois de juin, avons-nous autant ressenti le plaisir d’être ensemble sous les lampions multicolores et les grands pins du Domaine d’O, cette oasis ouverte à tous les vents du monde. Alors, oui, merci de vos rires, de vos émotions, de vos colères parfois… Merci de votre fidélité. Nous n’en avons jamais eu autant besoin.